MaGPat - Patagonie argentine et chilienne 2017
MaGPat est une expédition glaciaire qui s’est déroulée du 23 mars au 20 avril 2017 sur le glacier Perito Moreno situé dans le Parque de los Glaciares en Argentine et sur le glacier Tyndall situé dans le Parque Torres del Paine au Chili, ces deux glaciers s’écoulant du plateau glaciaire Sud de Patagonie appelé Campo de Hielo Sur.
Cette expédition, initiée conjointement par les associations La Venta et Spélé'Ice, s’inscrit dans le cadre d'une étude sur les principaux glaciers et calottes de la planète commencée au début des années 90 en Patagonie et au Groenland.
Les recherches scientifiques étaient orientées sur deux axes :
Glaciologie
• Mesures géomorphologiques du Perito Moreno
• Recherche Glacio-spéléologique sur le Perito Moreno et le Tyndall
• Utilisation et test de nouvelles technologies de mesures
• Documentation vidéo et photographique
Biologie
• Microbiologie des cryoconites
• Biologie microbienne des cryoconites
• Étude des algues e êtres extrémophiles (tardigrades) des cryoconites
• Minéralogie et polluants des cryoconites
L'expédition scientifique sur le Perito Moreno contribue à un enrichissement des connaissances glaciologiques. En particulier, la modélisation du bilan massique et énergétique du glacier va être améliorée grâce aux données concernant l'ablation, l'albédo et la vitesse de déplacement recueillies sur le terrain. Ainsi, il a été possible d'évaluer et d'estimer plus précisément les données du glacier qui évoluent rapidement suite aux changements climatiques qui s'y déroulent. En outre, ces nouvelles méthodes d'étude seront validées puis appliquées à d'autres glaciers de la Patagonie afin d'élargir la connaissance de ces domaines importants pour la planète. Cette recherche sera pour la première fois comparée à des études similaires menées en Europe, au Groenland et en Antarctique.
Cette expédition a eu également pour vocation d’expérimenter sur le terrain l’utilisation de nouvelles technologies rendues accessibles et portables grâce à leur miniaturisation.
• Séquenceur d'extraits d'ADN permettant une analyse in situ (Nanopore Minion)
• Scanner laser pour cartographier la surface et les reliefs d'intérieurs du glacier
•Drones pour effectuer une photogrammétrie aérienne du glacier
Nous avons pu réaliser une documentation vidéo et photographique détaillée des activités afin d'assurer un matériel d'information de haute qualité à disposition des partenaires du projet ainsi que des médias notamment à vocation scientifique.
Comme il en est de même pour toutes nos activités à l'étranger, une fois aboutie, une documentation complète sur les résultats sera livrée aux autorités concernées, aux institutions et aux fédérations de spéléologie des pays concernés.
Photos :
Participants :
Encadrement et logistique (Spélé'Ice et La Venta)
Ø Serge Aviotte.....................................Président de Spélé’Ice
Ø Omar Belloni....................................Encadrant / Explorateur
Ø Lionel Blain......................................Encadrant / Explorateur
Ø Alfredo Brunetti................................Encadrant / Explorateur
Ø Hervé Gherardi................................Encadrant / Explorateur
Ø Fulvio Ioro.......................................Encadrant / Explorateur
Ø Francesco Lo Mastro.......................Président de La Venta
Ø Andrea Pasqualini...........................Encadrant / Explorateur
Ø Alessio Romeo.................................Chef d'expédition
Ø Fabrizzio Rubcich............................Médecin
Équipe scientifique (Spélé'Ice et La Venta)
Ø Roberto Ambrosini...........................Biologiste
Ø Roberto Sergio Azzoni.....................Glaciologue
Ø Roberta Brayner (non présente sur le terrain)....Chimiste
Ø Alain Couté......................................Responsable scientifique
Ø Andrea Franzetti..............................Bactériologiste
Ø Farouk Kadded................................Géodésien
Ø Catherine Perrette...........................Microbiologiste
Ø(Alessio Romeo)...............................Géologue et photographe
Équipe de tournage (La Venta)
Ø Martino Frova................................Vidéo / Photographe
Ø Tommaso Santagata.......................Vidéo / Photographe
Déroulement :
Sur le glacier Perito Moreno
26 mars, 5h du matin, le camion de la Gendarmeria (que nous remercions chaleureusement) nous attendait pour transporter toute notre cargaison jusqu’à l’embarcadère. Une fois de l’autre côté du lac, arrivé à la maison des guides, un seul d’entre eux accepta de faire du portage... Ce n’est malheureusement pas suffisant pour une expédition avec autant de matériel scientifique... Nous avons dû envisager d’acheminer le matériel vers le refuge Buscaini (bivouac) en deux voyages d'environ 7 heures pour couvrir les 12 kilomètres qui le séparent de l'embarcadère.
Cette perspective n’a guère été encourageante pour le déroulement de l’expédition mais les bonnes conditions météo, qui ont même permis de se déplacer et de travailler en maillot, ont rendu moins fastidieuse la tâche. Cependant cette douceur anormale a eu son revers concernant les gouffres de glace. En effet, les moulins étaient pratiquement inondés...
D’un point de vue scientifique, cette expédition sur le Perito Moreno a été un succès. Les scientifiques ont pu bien travailler sur le terrain ou dans la tente de laboratoire grâce aux conditions météorologiques incroyables et au bon travail en équipe de l'ensemble du groupe. Nous avons pu échantillonner de nombreuses cryoconites et effectuer sur le terrain le séquençage de l'ADN d’éléments organiques détectés à l'intérieur des prélèvements. De nombreux brins d'ADN ont été transmis à la base de données pour révéler quels êtres vivants habitent dans les cryoconites de la Patagonie. Alain et Catherine, ont pu rassembler plusieurs prélèvements et pré visualiser différents échantillons avec le microscope à quelques heures de la collecte. Pour l'instant, parmi les animaux, nous n'avons observé que des rotifères et des ciliés mais pas de tardigrades, tandis que, parmi les algues, se distinguent les diatomées et 4 ou 5 autres espèces. Sont bien présentes également les cyanobactéries et autres formes unicellulaires dont l'activité photosynthétique sur les journées ensoleillées est étonnamment élevé par rapport à ceux trouvés lorsque le temps devient nuageux.
Concernant la glaciologie, malgré l’accès délicat au centre du glacier protégé par le d’une succession de lames de glaces hérissées vers le ciel, les glaciologues ont effectué des mesures du mouvement et de l'ablation du glacier en différents endroits sur une période de 3 jours. Le drone et le scanner laser leur ont permis de réaliser une cartographie par des techniques de balayage laser et de photogrammétrie aérienne, ce qui donnent un témoignage encore plus direct et tridimensionnel de l'évolution de la morphologie de la surface dans ce court laps de temps. Bien que ce ne soit que trois jours, les changements sont remarquables !
Moins heureux sont les glacionautes qui ont trouvé les moulins encore alimentés par des bédières qui ont rendu impossible l'exploration et les échantillons biologiques en profondeur.
Ils n'ont pas eu le temps de s'ennuyer étant donné les rations limitées de nourriture et les déplacements constants à pied pour récupérer du matériel et l'essence pour alimenter le générateur, les instruments ainsi que le réchaud de cuisson. L'absence de porteurs n'était pas un petit problème !
Interlude à El Calafate et Puerto Natales
La première partie de l'expédition était à présent terminée et nous allions maintenant rencontrer le deuxième groupe. Les six scientifiques quittaient le groupe et six explorateurs de La Venta nous rejoignaient. Nous réorganisâmes le matériel en vue de notre prochaine destination : le glacier Tyndall au Chili.
Maintenant, nous devons simplement ramener à la "maison" des échantillons, le processus sera long et nécessitera des mois d'observations et de traitement.
Le responsable de l’expédition fut interviewé par la radio argentine et le 4 avril au soir nous présentâmes une conférence publique au théâtre municipal d'El Calafate. Une soirée intéressante et drôle en même temps pour les nombreux étudiants présents. Deux heures de films et discussion avec La Venta et Spélé'Ice sur différents sujets, en particulier sur notre expédition sur le Perito Moreno.
Sur le glacier Tyndall
6 avril, 25 kilomètres de marche avec des sacs à dos plombant nos épaules. Heureusement, quelques chevaux disponibles ont pu nous aider au transport du matériel. De cette façon, nous avons pu atteindre le lac des "Tres Amigos" en un seul voyage et y installer le camp 1.
Cependant, quelque chose n’allait pas... En arrivant au camp 1, nous avons réalisé qu'il y avait un sac à dos qui avait disparu. Comme un fantôme ! Et c'était l'un des sacs où il y avait de la nourriture et quelle nourriture : pâtes, riz, polenta.... Un autre fantôme de Patagonie s’est alors invité parmi nos amis... Le spectre de la faim. Le problème n'était pas petit. En effet, cela menaçait toute l'expédition. Heureusement pour nous, le chef de l'expédition n'a jamais perdu de vue ce qui pouvait nous sauver : Les bouteilles de rhum... Et elles étaient bien là !
À partir de ce camp de base, le lendemain, avec « juste » 9 autres kilomètres, cette fois sans chevaux, nous avons pu atteindre le bord du glacier pour installer le camp 2 qui a servi de base arrière pour le reste de l’expédition. Le camp 2 été situé au même emplacement que l'année dernière (expédition de reconnaissance par La Venta), mais cette année les conditions étaient bien différentes : Le lac qu'il y avait l'an dernier a disparu.
Après un aller-retour au camp 1 pour l’acheminement du matériel, nous avons finalement atteint la zone prévue pour le camp 3 le 9 avril. Il en suivit dès le lendemain un aller-retour au camp 2 pour amener le reste du matériel. Le camp a été monté sur la rive gauche du glacier, le long de la moraine sur un plateau rocheux. Un fort vent et de la pluie a donné beaucoup de soucis à l'équipe qui devait gérer la logistique... Afin d'atteindre l’objectif de descendre dans les moulins du Tyndall. Le 11 avril, toujours sous le vent et la pluie, nous décidâmes de transporter tout l'équipement d'exploration sur le glacier de façon à descendre dans les moulins, mais, trop d'eau se jette dans les gouffres alimentés par des cascades furieuses. Nous retournâmes au camp, où chacun retrouvât son duvet (mouillé pour certains)...
En pleine nuit du 12 au 13 avril, avec des vents à plus de 100 kilomètres par heure en rafale, la tente mess eût de plus en plus de mal à résister. Nous essayâmes de la maintenir avec l’aide de tout le groupe qui s’était réveillé (pour qui avait réussi à s’endormir malgré de bruit incessant de de la toile battant au vent) et qui était là sur le pont tenant fermement les arceaux, consolidant les tirants et roulant de grosses pierres en l’absence de possibilité de planter des piquets sur cette terrasse rocheuse. En dépit de l’abnégation de personnes luttant contre le froid, la nature a eu raison de notre précaire refuge... Nous nous résignâmes à la démonter au plus vite et à répartir 3 des 5 compagnons (dormant dans la tente mess) dans les petites tentes qui avaient mieux résisté aux intempéries. 2 dormirent directement sous ce qui restait de la tente mess avachie...
Dans la journée qui suivit, tout le matériel laissé sur place au milieu du glacier fût récupéré et le camp replié vers le camp 2, toujours sous la pluie et le vent...
Le lendemain, nous avons essayé de descendre au moins un moulin. Mais hélas rien à faire, les gros moulins étaient trop actifs et leurs fossiles, lorsqu'ils existaient, étaient remplis d'eau (il faudrait des bouteilles de plonger !). Nous explorâmes finalement un petit moulin aboutissant à une galerie active mais accessible et réalisâmes néanmoins de belles images.
Tributaires du calendrier à respecter, nous laissâmes le glacier derrière nous pour retourner au Camp 1, le 15 avril où au le lendemain matin nous avions rendez-vous avec les gouchos et leurs chevaux qui rapatrièrent le gros du matériel pendant que nous effectuions la longue marche de retour.
Changement climatique (par Alessio)
Si le festival de glace n'a pas eu lieu à El Calafate depuis 5 ans, il y a une raison pour cela !
Les changements climatiques qui, année après année, menacent les glaciers de Patagonie ainsi que ceux du reste du monde ont été cette année encore plus marqués. À El Calafate, l'hiver a été sec et peu rigoureux et l’été peu venté... Bref tout ceci est anormal au point de modifier les traditions de ce lieu, comme l'explique le responsable du parc, M. Carlos Corvalán : Il y a quelques années, pour la fête du Hielo qui a lieu en juillet-août, suite à l’absence de neige, on acommencé à porter de la neige dans la ville par camions, pour finalement décider ces dernières années de suspendre définitivement cette fête... Autrefois, à la fin du mois d'avril, des hôtels et des magasins fermaient, mais maintenant de nombreuses personnes restent en ville, au travail car les touristes continuent à venir.
Les alpinistes savent combien il est difficile d'escalader dans cette région, il faut prévoir plusieurs semaines d’attente au pied de la paroi avant que le vent ne s'arrête et que le soleil prenne la place de la pluie et de la neige. Cette année, et ce n'est pas la première fois, ç’a été notre tour de trouver des conditions météorologiques défavorables pour tout le mois. Sur le Perito Moreno, nous avons abandonné l'exploration des moulins glaciaires : la température anormale les rendait impraticables car trop d'eau de fonte coulait à l'intérieur. Sur le Tyndall, au Chili, nous avons été arrêtés par un vent et une pluie inattendus. Bref, nous nous attendions à des conditions météorologiques au moins aussi acceptables que l'année précédente, c’est à dire froid et sec, mais pendant les trois jours prévus pour l’exploration spéléologique, nous avons subi un temps déplorable jusqu'à la rupture des arceaux de notre tente dôme, utilisée à la fois comme cuisine et un dortoir.
Les plus grands moulins sont restés inexplorés cette année encore et qui sait pour combien de temps, tandis que le front du glacier se retire et que l'épaisseur de ces géants de Patagonie décroît !
Cela peut arriver dans l'exploration géographique, et il n'a pas été nécessaire de l'expliquer aux compagnons d’expéditions, dont beaucoup sont experts sur les expéditions glaciaires, et bien conscient de cela ! "C'est la vie" a déclaré nos camarades d'aventure français, qui connaissent bien les adversités météorologiques dans les zones glaciaires comme le Groenland, où j'ai passé une nuit entière avec eux en tenant une grande tente sur l’inlandsis avec un vent à 150 km/h (cf. Expédition GRAAL 2013) !
Maintenant, alors que j'écris, la Patagonie passe sous le vol qui nous emmène à Buenos Aires puis à la maison... Il ne fait aucun doute que nous voulons tous revenir ici, pour les moulins ou pour d'autres raisons. Ce paysage laisse toujours une marque, comme la myriade de couleurs qui nous accompagne chaque fois que nous nous déplaçons vers le bleu de la glace !
A l'heure actuelle, les contacts et les amitiés dans les deux pays (Argentine et Chili) sont consolidés, les Parcs (de los Glaciares et Torres del Paine) nous connaissent et savent que nous travaillons dans le respect de l'environnement et pour une meilleure compréhension de leurs beautés naturelles ! Il ne dépend que de nous de décider quand et où organiser une autre exploration !... Et bien sûr, nous choisirons une période ultérieure, avec l'espoir qu'il fera froid et que la nature nous laissera entrer dans la glace la plus bleue du monde !
Je tiens à remercier notre membre argentin Esteban et notre amie Silvia pour l'aide incroyable qu'ils nous ont apportée pendant les deux expéditions, ouvrant les portes de la ville d'El Calafate...
Merci aussi à notre ami Rafael Avila, garde du parc à Torres del Paine, qui nous a accompagné au Tyndall pendant quelques jours, en nous déchargeant d'une partie du matériel logistique.
Notes et observations :
À venir...